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Le validisme numérique concerne toute expression en ligne qui vise à disqualifier, à stigmatiser, à marginaliser une personne ou un groupe de personnes en raison de leur handicap moteur ou mental. Il diffuse l’idée qu’une personne valide incarne la norme sociale et que l’absence de maladie ou d’infirmité lui confère une position plus enviable, voire supérieure par rapport à celle des personnes qui présentent à l’opposé des incapacités visibles ou invisibles.

Il assimile systématiquement le handicap et/ou la maladie à une condition qui serait désavantagée, marquée par la dépendance et la limitation, nécessitant d’être compensée, remédiée ou transformée de manière active, afin de favoriser une meilleure intégration dans la société. L’agissement validiste peut également exercer une forme d’oppression systémique plus passive et se traduire par une incitation tacite encourageant les personnes en situation de handicap à ne pas exposer leur différence, afin de ne pas troubler l’ordre social supposément établi.

Toutes ces pratiques de cyberharcèlement postulent de manière condescendante que les individus en situation de handicap se complaisent dans la frustration et le regret de ne pas être valides.

Synonymes

  • Handicapisme en ligne
  • Capacitisme numérique
  • Discrimination en ligne fondée sur les capacités
  • Digital ableism

Quand comprendront-ils que mon handicap ne définit pas qui je suis !

Ce qu’il faut retenir…

La “pornographie de l’inspiration” est une manière souvent prégnante dans les médias et les évènements caritatifs de représenter les personnes en situation de handicap comme des héros ayant transcendé leur condition, telles des sources d’inspiration inépuisables motivant les personnes valides à travers les défis et épreuves de leur quotidien.

Le terme “Inspiration Porn” a été médiatisé pour la première en 2012 par Stella Young lors de sa conférence TEDx “I’m not your inspiration, thank you very much”. Cette journaliste et comédienne australienne en fauteuil roulant souhaitait dénoncer toutes les mises en scène dans lesquelles les personnes handicapées se trouvent objectifiées, au même titre que le sont régulièrement les femmes dans l’industrie pornographique.

Qu’il s’agisse de compassion condescendante ou de survalorisation de l’exception, pour elle, ces manifestations sont inopportunes car elles ne visent qu’à dédouaner les personnes valides, à les rassurer dans leurs capacités. Ce genre d’agissement contribue au final à instaurer un climat pernicieux voire contre-productif dans la mesure où “disability doesn’t make you exceptional” (vivre avec un handicap ne vous rend pas exceptionnel).

En effet, la pornographie de l’inspiration tend à sur-performer la norme : “we are congratulated for getting out of bed and remembering our own names in the morning” (on nous félicite de sortir du lit et de nous souvenir de notre nom le matin), en omettant de valoriser les vraies réussites des personnes en situation de handicap. “We are more disabledby the society that we live in than by our bodies and our diagnoses” (nous sommes davantage handicapés par la société dans laquelle nous vivons que par notre corps et nos diagnostics).

Aux origines…

Les Disability Studies (déclinaison du mot able qui signifie “capable” ou “apte”) sont un champ de recherche qui s’est structuré à partir des années 1970, aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Intimement lié au mouvement militant pour les droits des personnes handicapées (Disability Movement) qui se crée à la même époque dans ces deux pays, il rompt avec l’hégémonie de l’approche principalement médicale du handicap.

En effet, pendant de longues années, les sciences de la réadaptation (rehabilitation sciences) sont restées enfermées dans une conception individuelle du handicap sans prendre en compte les facteurs environnementaux et contextuels. Les possibilités d’intervention se cantonnaient uniquement au niveau de l’individu qui devait se “réparer” grâce à une médecine curative, afin de s’adapter à son environnement social.

Grâce à ce nouveau courant académique, une autre perspective est envisagée repensant le handicap comme le résultat d’un processus social d’exclusion. De fait, les recherches scientifiques se réorientent sur les obstacles physiques mais également socioculturels qui limitent la participation sociale et entravent l’exercice d’une pleine citoyenneté des personnes porteuses d’une déficience.

Au début des années 2000, deux propositions de traductions francophones apparaissent pour décrire les comportements discriminatoires envers les personnes avec un handicap. Au Québec, le dialogue ouvert avec la sphère universitaire fait émerger le terme de capacitisme, quant en France, les mouvements militants mettent en exergue celui de validisme.

Que dit le cadre légal…

Ce n’est que récemment (2017) que la législation française a pris en compte les atteintes visant précisément une personne en raison de son handicap.

D’après l’article 225-1 du code pénal, toute discrimination, soit “toute distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement […] de leur état de santé, de leur perte d’autonomie, de leur handicap” commise à l’égard d’une personne physique ou morale, est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsqu’elle consiste entre autre à “refuser la fourniture d’un bien ou d’un service”, à “entraver l’exercice normal d’une activité économique quelconque”, à “refuser d’embaucher, à sanctionner ou à licencier une personne”, etc.

La provocation non publique à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes en raison de leur handicap (article R625-7), la diffamation non publique (article R625-8), l’injure non publique (article R625-8-1), sont punis d’une amende prévue pour les contraventions de la 5e classe (1 500 euros d’amende).

D’après la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, la provocation à la haine ou à la violence publique à l’encontre d’une personne en raison de son handicap (article 24), la diffamation publique (article 32), l’injure publique (article 33) commises envers une personne en raison de son handicap sont également punies d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

Un exemple concret de validisme numérique. Un exemple concret de validisme numérique.
Un exemple concret de validisme numérique.

Pour aller un peu plus loin…

Quelques références scientifiques :

  • ALBRECHT Gary, RAVAUD Jean-François, STIKER Henri-Jacques, L’émergence des disability studies : état des lieux et perspectives, Sciences sociales et Santé, Volume 19, n° 4, 2001, pp. 43-73.
  • BAS Jérôme, Des paralysés étudiants aux handicapés méchants : La contribution des mouvements contestataires à l’unité de la catégorie de handicap, Genèses, n° 107, 2017, pp. 56-81.
  • CICCONE Albert, Handicap et violence, Editions Érès, 2014, 304 pages.
  • LECADET Clara, Le handicap, sport de combat, Vacarme, n° 88, 2019, pp. 38-47.
  • POUR L’éGALITé ET L’éMANCIPATION (CLHEE) Collectif lutte et handicaps, Manifeste du Collectif lutte et handicaps pour l’égalité et l’émancipation, 2016, URL : https://clhee.org/2016/04/12/manifeste/
  • PRIMARENO Adrien, L’émergence des concepts de “capacitisme” et de “validisme” dans l’espace francophone, Alter, n° 16, 2022, pp. 43-58.
  • TUA Ludovica, Mise en scène de femmes en situation de handicap sur Instagram : entre appropriation et marchandisation du récit de soi, Études de communication, n° 58, 2022, pp. 87-104.
  • WINANCE Myriam, Appréhender la pluralité des personnes handicapées et la complexité de leurs expériences : que faire des différences ?, Revue française des affaires sociales, n° 1, 2021, pp. 23-36.
  • YOUNG Stella, I’m not inspiration, thank you very much, TEDxSydney, 2012, URL : https://www.ted.com/talks/stella_young_i_m_not_your_inspiration_thank_you_very_much?subtitle=fr

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