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Le happy slapping est une humiliation qui vise à filmer l’agression d’une personne avec son téléphone portable puis à la diffuser sur internet via les réseaux sociaux, les plateformes vidéo ou de mobile à mobile.

La victime peut aussi bien être choisie au hasard comme elle peut également être clairement identifiée par ses agresseurs qui souhaitent régler avec elle un différend.

Si initialement l’agression perpétrée consistait à distribuer une claque gratuitement à quelqu’un qui ne s’y attend pas ou qui n’est pas en mesure de se défendre, de nouvelles dérives plus violentes ont rapidement été observées comme des scènes de vol à l’arrachée, d’agression d’enseignants, de passages à tabac entraînant le décès de la victime, de viol, des scènes d’homicide par le feu, etc.

Synonymes

  • Vidéolynchage
  • Vidéoagression

C’est la double peine pour moi, parce qu’après avoir déjà vécu cette agression traumatisante à l’école, je suis condamné à revivre cette humiliation sur les réseaux sociaux.

Ce qu’il faut retenir…

Une théâtralisation de l’agression

- Un parallèle peut être fait avec Umberto Eco (2004) qui aborde la notion de “carnavalisation” des mœurs où s’effacent les frontières entre le spectacle et le sérieux, repoussant constamment les limites de la méprise et de l’outrage.

- Bauman (2010) dénonce dans le monde contemporain son recours chronique aux images ultraviolentes (massacres lors de guerres, attentats, etc.) qui conduisent inéluctablement à une insensibilisation à la souffrance et à la cruauté.

Une violence contagieuse

- Le happy slapping mêle “violence, jouissance, voyeurisme et exhibitionnisme” (Barus-Michel Jacqueline ; 2011). Il encourage un principe de surenchère entre ceux qui cherchent à voir “quand même” des images de coups et blessures, et ceux qui transgressent l’interdit en diffusant des séquences vidéo de violences extrêmes à la recherche constante de contenus viraux.

- Certaines vidéos de happy slapping peuvent être apparentées à des rites de “virilité” exhibés en ligne, comme le seraient des trophées exposés à la vue du plus grand nombre, de manière à alimenter de nouvelles formes de popularité.

Aux origines…

Si le premier sens accordé au happy slapping se traduit littéralement de l’anglais par l’expression “baffe joyeuse”, il semblerait que l’étymologie de cet anachronisme trouve ses origines dans le glissement sémantique de l’adjectif “slap-happy” qui peut aussi bien signifier de manière familière “insouciant” que “sonné” (abasourdi).

Les premiers cas recensés de happy slapping datent de 2004 en Angleterre, où la police a constaté plus de 200 incidents concentrés sur la zone de Londres en moins de 6 mois.

Même s’il demeure encore aujourd’hui difficile d’identifier les raisons réelles d’un tel phénomène, la médiatisation d’émissions de TV à l’époque (de type Jackass ou Dirty Sanchez) qui réunissent de jeunes adultes casse-cous tendant des pièges de mauvais goût, imaginant des farces douteuses et testant par des épreuves fantaisistes leurs capacités de résistance physique, sans autre but que de faire rire, semble avoir créé des émules parmi leurs téléspectateurs.

Que dit le cadre légal…

En cas d’atteintes à l’intégrité corporelle de la victime, l’auteur des actes voit son comportement réprimé par la loi (articles 222-1 à 222-14-17et 222-23 à 222-31).

Une réponse juridique et pénale complémentaire a été apportée au happy slapping par la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, notamment l’article 222-33- 3 précisant le statut légal de toute personne enregistrant les images d’atteintes portées à l’intégrité physique de la victime :

- le prévenu est tout d’abord considéré comme complice légal de la personne se rendant coupable des atteintes à l’intégrité physique de la victime, et dès lors s’expose à l’application des mêmes peines que s’il se rendait coupable de ces actes de violence ;\

  • le fait de diffuser l’enregistrement de telles images est par ailleurs érigé en infraction autonome, punie de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

Le troisième alinéa de cet article dispose qu’il n’est pas applicable “lorsque l’enregistrement ou la diffusion résulte de l’exercice normal d’une profession ayant pour objet d’informer le public ou est réalisé afin de servir de preuve en justice”, excluant ainsi de toute poursuite les journalistes couvrant d’éventuels évènements violents, ainsi que la vidéosurveillance servant dans un cadre judiciaire.

Un exemple concret de happy slapping. Un exemple concret de happy slapping.
Crédit photo Noé Braud.

Pour aller un peu plus loin…

Quelques références scientifiques :

  • ANAUT Marie, Cruauté et plaisir scopique sur internet : entre scène médusante et perversion ?, Cahiers de psychologie clinique, Volume. 22, n° 1, 2004, pp. 187-204.
  • BARUS-MICHEL Jacqueline, Une société sur écrans, in AUBERT Nicole et al., Les tyrannies de la visibilité. Être visible pour exister ?, Érès, 2011, pp. 23-37.
  • BAUMAN Zygmunt, La vie en miettes. Expérience post-moderne et moralité, Fayard/Pluriel, 2010, 416 pages.
  • ECO Umberto, Baudolino, Grasset, 2004, 672 pages.
  • FORGET Jean-Marie, Le monde moderne. L’influence du regard et du discours pervers, in FORGET Jean-Marie, Les troubles du comportement : où est l’embrouille ?, Érès, 2008, pp. 85-103.
  • GUAY Jean Pierre, FREDETTE Chantal, Le phénomène des gangs de rue. Théories, évaluations, interventions, Presses de l’Université de Montréal, 2014, 508 pages.
  • LE BRETON David, Conduites à risque. Des jeux de mort au jeu de vivre, PUF, 2002, 224 pages.
  • LE BRETON David, Entre Jackass et le happy slapping un effacement de la honte, Adolescence, Volume 253, n° 3, 2007, pp. 609-622.
  • MEYRAN Régis, Les mécanismes de la violence, Sciences Humaines, 2011, 290 pages.

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