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Le chantage à la webcam est une pratique qui consiste à prendre contact sur des réseaux sociaux, des applications de messagerie instantanée et de conversation vidéo, sur des plateformes de jeux vidéo ou encore sur des sites de rencontres, puis à inviter des victimes à se dévêtir devant la caméra pour participer à des jeux érotiques ou sexuels. Des images, généralement extraites de sites pornographiques, sont utilisées pour mettre en confiance la victime, qui s’abandonne au piège. La scène intime est alors filmée à son insu et devient l’objet d’un chantage pour être maintenue confidentielle.

Les menaces de partage de ces images intimes sont exercées dans le but principal de contraindre la personne à envoyer davantage d’images sexuellement explicites, à obtenir d’elle des faveurs sexuelles sans son libre consentement, à lui extorquer de l’argent, voire dans quelques cas à poursuivre une relation amoureuse avec elle, etc.

Si la manipulation et la tromperie constituent les méthodes privilégiées par les “sextorqueurs”, le matériel peut avoir été partagé de manière consensuelle, par exemple dans le cadre d’une relation intime en ligne ; ou obtenu de manière illégale par l’entremise de techniques d’ingénierie sociale telles que l’hameçonnage, les maliciels ou tout autre moyen informatique permettant d’accéder illégalement à du contenu ; voire récupéré sur des sites dédiés au revenge porn ; ou encore obtenu au sein d’une chaîne de partage, par exemple dans une conversation de groupe dédiée au partage d’images intimes non consensuelles.

Synonymes

  • Cybersextorsion
  • Cryptoporno

Une fois que ma vidéo intime est partie sur les réseaux, ce n’était plus du chantage, c’était une exécution !

Ce qu’il faut retenir…

Une étude empirique menée en 2016 par les chercheurs Janis Wolak et David Finkeldor de l’université du New Hampshire a permis de documenter scientifiquement les actes de sextorsion dont ont été victimes 1631 personnes, âgées de 18 à 25 ans.

- 77% des victimes menacées de sextorsion sont des femmes ;

- 72% des victimes ont envoyé des images intimes de manière consensuelle ;

- 27 % des victimes ont envoyé du contenu à caractère sexuel au cours de la première journée de contact (moins de 24 heures) ;

- 60 % des victimes avaient déjà rencontré leur sextorqueur ou sextorqueuse (ancien partenaire, collègue de travail, etc.) ;

- 51% des victimes se sont vues réclamées par leur agresseur des images sexuellement explicites supplémentaires ;

- dans 59% les menaces visaient la diffusion en ligne des images ou vidéos compromettantes auprès du cercle proche ;

- dans 22% des cas les menaces ont duré plus de 6 mois ;

- 16% des victimes ont signalé les faits aux forces de l’ordre.

Aux origines…

L’omniprésence de la violence sexuelle à travers les siècles a intimement été liée à celle de chantage et revêt un éventail large d’actions et d’expériences traumatisantes pour les victimes. Qu’il s’agisse de pressions sexuelles, d’intimidations, de menaces, de contraintes au déshabillage, de droits de cuissage, de droits de pinçage, etc., elles sont aussi bien exercées dans la sphère privée que dans l’espace public.

L’essor de la mécanisation au siècle dernier a entraîné le développement du travail des femmes dans les fabriques, mais a précarisé par là-même leurs conditions en particulier celles des ouvrières qui se sont retrouvées sous la coupe de contremaîtres omnipotents. Loin de se voir condamner pour les agressions ou viols qu’ils ont commis, paradoxalement, ce sont les mœurs des travailleuses qualifiées de “légères” qui ont été stigmatisées.

Pour se protéger de ces chefs et lutter contre la banalisation des harcèlements sexuels qu’ils exerçaient, les femmes se sont alors rassemblées localement pour organiser des “grèves pour la dignité” qui furent très rapidement suivies par un mouvement de solidarité qui a trouvé un écho sensible dans la France entière. Dès 1899, les chapelières de Saumur ont cessé le travail pour réclamer le renvoi d’un contremaître aux agissements présentés comme « immoraux ». Elles furent suivies par les tisseuses de Giromagny, les sucrières de Normandie, les fromagères de Roquefort, les cigarières de Toulouse ou encore les ouvrières de la porcelaine de Limoges. Défrayant la chronique, leur mobilisation massive fut sans équivoque un pas majeur dans la lutte contre les violences sexuelles au travail.

Que dit le cadre légal…

Le chantage à la webcam relève principalement de l’escroquerie, du chantage ou de l’extorsion prévus par le Code pénal.

Article 313-1 : L’escroquerie est le fait, soit par l’usage d’un faux nom ou d’une fausse qualité, soit par l’abus d’une qualité vraie, soit par l’emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d’un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge (cinq ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende).

Article 312-10 : Le chantage est le fait d’obtenir, en menaçant de révéler ou d’imputer des faits de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération, soit une signature, un engagement ou une renonciation, soit la révélation d’un secret, soit la remise de fonds, de valeurs ou d’un bien quelconque (cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende).

Article 312-1 : L’extorsion est le fait d’obtenir par violence, menace de violences ou contrainte soit une signature, un engagement ou une renonciation, soit la révélation d’un secret, soit la remise de fonds, de valeurs ou d’un bien quelconque (sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende).

La loi du 21 avril 2021 a introduit un nouveau délit (article 227-23-1 du Code pénal) qui punit de 7 ans de prison “le fait pour un majeur de solliciter auprès d’un mineur la diffusion ou la transmission d’images, vidéos ou représentations à caractère pornographique dudit mineur” (10 ans lorsque la victime a moins de 15 ans).

Un exemple concret de chantage à la webcam. Un exemple concret de chantage à la webcam.
Un exemple concret de chantage à la webcam.

Pour aller un peu plus loin…

Quelques références scientifiques :

  • ACAR Kemal Veli, Sexual Extortion of Children in Cyberspace, International Journal of Cyber Criminology, Volume 10, 2016, pp. 110-126.
  • BORRAJO Erika, GAMEZ-GUADIX Manuel, CALVETE Esther, Cyber dating abuse: Prevalence, context, and relationship with offline dating aggression, Psychological reports, n°116, 2015, pp. 565-585.
  • CARLTON Alessandra, Sextortion: The Hybrid Cyber-Sex Crime, North Carolina Journal of Law & Technology, n°21, 2019, pp. 177‐216.
  • DESCHAMPS Catherine, Les « échanges économico-sexuels » à l’épreuve des plateformes et foules numériques, Revue Française de Socio-Économie, n° 25, 2020, pp. 145-153.
  • EATON Asia, RAMJEE Divya, SAUNDERS Jessica, The Relationship Between Sextortion During COVID-19 and Pre-Pandemic Intimate Partner Violence: A Large Study of Victimization among Diverse U.S Men and Women, Victims & Offenders, 2022, pp. 1-18.
  • GELDENHUYS Kotie, Sextortion-a new form of cybercrime, Servamus Community-based Safety and Security Magazine, n° 109, 2016, pp. 14-18.
  • KOCH Regan, MILES Sam, Inviting the Stranger in: Intimacy, Digital Technology and New Geographies of Encounter, Progress in Human Geography, n° 45, 2021, pp. 1379‐1401.
  • O’MALLEY Roberta Liggett, HOLT Karen, Cyber Sextortion: An Exploratory Analysis of Different Perpetrators Engaging in a Similar Crime, Journal of interpersonal violence, n° 37, 2020, pp. 258-283.
  • WOLAK Janis, FINKHELOR David, Sextortion: Findings from a Survey of 1631 Victims, Crimes against children research center, 2016, URL : https://respect.international/sextortion-findings-from-a-survey-of-1631- victims/

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