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Le trolling est une pratique qui vise à déstabiliser un sujet de discussion dans un groupe, une communauté, un forum, etc. Le perturbateur cherche à gêner voire interrompre le débat en publiant des messages provocateurs voire moqueurs.

Prenant le contre-pied d’autres figures emblématiques du web participatif telles que le flamer ou le hater, le troll ne cherche pas à rentrer ouvertement dans le conflit. Bien au contraire, son but premier est de gagner en légitimité au sein de la communauté afin de ne pas susciter de défiance de la part du groupe. Une fois accepté, il peut alors subtilement détourner les débats vers des conversations absurdes, prodiguer de faux conseils, pousser aux limites de la controverse, etc.

S’il peut susciter de vives réactions et entraîner l’agressivité de la communauté, un troll n’est jamais en retour haineux cherchant en permanence à cacher ses intentions. Dès lors qu’il est découvert, il ne peut plus troller et cherchera de nouvelles proies en intégrant un nouveau groupe de discussion, etc.

Synonymes

  • Trollage
  • Trickster

Plus tu réponds à un troll, plus il t’empoisonne la vie !

Ce qu’il faut retenir…

Le sociologue Antonio Casilli (2012) a proposé une typologie du troll dans laquelle il identifie 4 catégories principales :

- “Le troll pur” est identifié comme un “utilisateur bête et méchant”. Il s’accommode du contexte pour susciter des polémiques quel que soit le sujet de la conversation abordé et pour encourager des réactions directes de la part des membres du groupe qu’il vient d’intégrer.

- “Le troll hybride” est un “utilisateur combinant son activité de troll avec des habiletés d’un autre type”. Il peut par exemple mettre à profit son expertise technique pour déployer des actions de hacking, de phishing, etc.

- “Le troll réciproque ou volontaire […] se concrétise dans une interaction en ligne dans laquelle plusieurs individus sont réciproquement convaincus que “les trolls c’est les autres”. Ce postulat déconstruit le stéréotype d’intention narcissique rattachée à la figure du troll et accentue au contraire la démarche de dissimulation dans laquelle il se drape pour préserver son identité.

- “Le troll revendicatif” intervient pour manifester une forme de frustration notamment par l’envoi de messages décalés.

Une particularité est à noter dans les discours des trolls lorsqu’ils convoquent des arguments extrêmes en lien avec le nazisme pour disqualifier le raisonnement de leurs adversaires et parasiter les espaces de discussion. Dès que les échanges constructifs cessent, on dit que le “point Godwin” est atteint.

Aux origines…

Deux hypothèses étymologiques sont habituellement mobilisées pour expliquer le terme de troll sur internet.

Une première explication fait référence à la mythologie scandinave et aux personnages des contes populaires dans lesquels ces créatures se sont imposées comme figures emblématiques. Depuis 1220 dans “L’Edda de Snorri” (Snorri Sturluson) jusqu’à aujourd’hui, il abonde dans de nombreux récits nordiques. Décrit initialement comme un peu naïf, qui vit isolé en milieu hostile, au cœur des montagnes, éloigné de toute communauté, il lui est conféré d’étranges pouvoirs. La christianisation a fini par imposer l’image d’un être malfaisant, diabolique dissimulé sous les ponts dans l’attente d’une proie (Bishop ; 2014).

Une deuxième explication trouve son entendement dans les techniques de pêche. Du verbe anglais “to troll” qui consiste à pêcher à la ligne avec un leurre ou encore du verbe “to trawl” caractéristique des pêches au chalut qui traînent un appât, une analogie est facilement construite pour expliquer les actions des trollers sur internet qui tendent des pièges aux internautes.

Que dit le cadre légal…

Si la plupart des phénomènes de trolling ne revêtent pas de caractère haineux, certains cas peuvent pourtant être qualifiés d’injure ou de diffamation et sont réprimés par la loi dès lors que des paroles offensent une personne de manière consciente, délibérée et grave.

Elles peuvent être définies dans les articles 23, 29 et 32 de la loi sur la liberté de la presse de 1881. Constitue ainsi une injuretoute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait”. La diffamation quant à elle concerne “toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé”.

Si l’injure ou la diffamation ont été diffusées sur un compte accessible uniquement à un nombre restreint “d’amis” sélectionnés par l’auteur des propos, elles relèvent alors du privé et sont punies de l’amende prévue pour les contraventions de première classe (soit 38 euros minimum) à quatrième classe en cas d’injure raciste, sexiste, homophobe ou portant atteinte aux personnes en situation de handicap (soit 750 euros maximum).

Si l’injure ou la diffamation sont publiques, elles peuvent être punies d’une amende pouvant aller jusqu’à 12 000 euros. Si elles revêtent en plus un caractère raciste, sexiste ou homophobe ou portant atteinte aux personnes en situation de handicap, la peine peut atteindre 1 an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.

Un exemple concret de trolling ( Un exemple concret de trolling (
Un exemple concret de trolling ("point Godwin").

Pour aller un peu plus loin…

Quelques références scientifiques :

  • BINNS Amy, Don’t feed the trolls! Managing troublemakers in magazines’ online communities, Journalism Practice, Volume 6, Issue 4, 2012, pp. 547-562.
  • BISHOP Jonathan, Representation of “trolls” in mass media communication : a review of media-textes and moral relating to “internet trolling”, International Journal of Web Based Communities, Volume 10, n° 1, 2014, pp. 7-24.
  • BUCKELS Erin E., TRAPNELL Paul D., ANDJELOVIC Tamara, PAULHUS Delroy L., Internet trolling and everyday sadism : Parallel effects on pain perception and moral judgment, Journal of Personality, Volume 87, Issue 2, 2019, pp. 328-340.
  • CASILLI Antonio, Pour une sociologie du #troll, BodySpaceSociety.eu, 2012, URL : http://www.casilli.fr/2012/03/24/pour-une-sociologie-du-troll/
  • DJILE Donald, Décentrer l’énonciation numérique. De l’acception universelle aux pratiques africanisées du trolling et du “grammar nazisme”, Communication & langages, Volume 205, n° 3, 2020, pp. 57-75.
  • GYLFASON Haukur Freyr, SVEINSDOTTIR Anita Hrund, VESTEINSDOTTIR Vaka, SIGURVINSDOTTIR Rannveig, Haters Gonna Hate, Trolls Gonna Troll : The Personality Profile of a Facebook Troll, International journal of environment research and public health, n° 18, 2021, URL : https://www.mdpi.com/1660-4601/18/11/5722
  • HARDAKER Claire, Trolling in asynchronous computer-mediated communication : From user discussions to academic definitions, Journal of politeness research, Volume 6, n° 2, 2010, pp. 215-242.
  • KNIFFIN Kevin, PALACIO Dylan, Trash talking and trolling, Human nature, Volume 29, n° 3, 2018, pp. 353-369.
  • ORTIZ Stephanie, Trolling as a Collective Form of Harassment: An Inductive Study of How Online Users Understand Trolling, Social media + society, 2020, URL https://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1177/2056305120928512
  • POLAK Sara, TROTTIER Daniel, Violence and Trolling on Social Media History, Affect, and Effects of Online Vitriol, Amsterdam University Press, 2020, 226 pages.

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